H. des Hazards

Hugues des Hazards

 

Cette note sur Hugues des Hazards veut résumer quatre éléments importants de sa vie:

1- Ses études et son action comme avocat, 2- L’Italie de la fin du XVème siècle, la Cité Idéale et la Réforme, 3- Ses années de fonctions au service de la Lorraine, 4- Son épiscopat

 

1- Ses études et son action comme avocat

 

Hugues Hazars effectue sept années d’études à l’Université de Sienne (créée en 1246) pour ses deux thèses de Droit canon et Droit romain (1473-1480), à l’époque des Visconti, avec l’étude des différentes sciences : (Trivium) grammaire, dialectique, rhétorique et ( Quadrivium) arithmétique, musique, géométrie, astronomie, conduisant à la philosophie et à la théologie.

Au cours de son séjour à Sienne, il a dû être marqué par la contemplation des « allégories et effets du Bon et du mauvais gouvernement », représentées dans les fresques d’Ambrogio Lorenzetti (1338) au palazzo publicco de Sienne (avec la Sagesse opposée à Tyrannia).

Puis de 1480 à 1487, il est avocat à Rome auprès du tribunal de la Rote au service de la cause de René II d’Anjou (1451-1508) pour obtenir la nullité de son mariage avec Jeanne d’Harcourt, obtenue grâce à son habileté juridique le 8 août 1485 après neuf années de procédure. René II épouse, le mois suivant, en septembre 1485 Philippe de Gueldre qui lui donnera douze enfants.

 

2- L’Italie de la fin du XVème siècle, la Cité Idéale et la Réforme

Lors de son séjour à Sienne, il a pu voir la piazza del Campo, le palazzo publicco, la tour de la Mangia et la cathédrale Ste Marie de l’Assomption et goûter à la vie artistique et intellectuelle de la ville. Dans la cathédrale figuraient déjà la Maesta de Duccio, l’Annonciation de Simone Martini et la chaire de Nicolas Pisano (1268) avec les sept Arts Libéraux et la Philosophie.

A ce moment, à Florence, à 80 km de Sienne, les règles de la perspective sont appliquées par Brunelleschi, peintre, mathématicien et architecte, un grand humaniste ! En 1436, il crée la coupole de la cathédrale Sta Maria del Fiore. Hugues peut aussi contempler les créations d’Alberti, de Masaccio, de Piero della Francesca ou de Boticelli, en particulier la naissance de Vénus (1485).

Dans les églises de cette époque, il n’a pas dû manquer d’observer  les tombeaux verticaux (en enfeux) à Florence, celui du cardinal Porto Gallo à San Miniato al Monte et de Leonardo Bruni à Sta-Croce ou à Rome, celui du cardinal Cristoforo della Rovere à Sta-Maria del Popolo…

On peut penser qu’il a été aussi inspiré par la vie et les réalisations d’Aeneas Silvio Piccolomini, le pape Pie II (1458 – 1464), pape mesuré qui a réalisé à Corsignano, son village natal, proche de Sienne, une cité idéale qui deviendra, selon son nom de pape, Pienza. Cette ville semble sortie des cartons d’Alberti (panneau d’Urbino de 1472). Elle est marquée, en particulier, par l’église-halle conçue par Bernardo Rosselino, symbole de l’idéal de lumière spirituelle, « claritas », des romains. Comme à Blénod, sa façade est Renaissance, alors que l’architecture intérieure est gothique avec des exceptions Renaissance.

A Pienza encore, les 12 case nuove (maisons neuves) de Pietro Porrina, destinées à reloger les personnes expulsées pour la construction de la place Pie II, semblent l’avoir inspiré pour les Loges de Blénod.

A Florence, à cette époque, Pic de la Mirandole veut faire une synthèse entre Aristote et Platon et concilier Arts libéraux, philosophie et théologie sous la forme de 900 thèses à discuter en 1486 à Rome. Quant à Savonarole, il a publié « De ruina mundi » et en 1475 « De ruina ecclesiae » où il traite la Curie romaine de « putain fière et menteuse » et voit dans le pape Alexandre VI Borgia l’incarnation de l’Ante-Christ. Quelques années après, il établira à Florence une république théocratique (1494-1498) qui veut épurer les mœurs, avec la destruction des œuvres « licencieuses », sur un bûcher des Vanités installé piazza della Signoria où il sera, lui-même, ultérieurement pendu et brûlé !

Bien que de retour en Lorraine en 1487, Hugues Hazars sera certainement tenu au courant de tous ces mouvements. Ayant connu la vie de l’Eglise pendant ses quatorze années de présence à Sienne et à Rome, il a pu mesurer la pertinence des revendications de Savonarole, sans pour autant approuver ses excès.

 

3- Ses années de fonctions au service de la Lorraine

 

En 1487, il rentre en Lorraine, rappelé par René II. Familier du duc, il devient un grand personnage de la cour et de l’église de Lorraine. Ainsi, il devient chanoine de St-Gengoult, puis du chapitre de la cathédrale de Toul, prévôt de la collégiale St-Georges à Nancy et abbé de St-Mansuy.

Le duc va lui confier aussi des postes importants dans l’administration lorraine : présidence des Etats de Lorraine en 1493 et du conseil du duc en 1495 ; puis procureur et président de la chambre des comptes de Lorraine en 1498. C’était un peu le premier ministre de Lorraine. Il va occuper ces hautes fonctions pendant dix-neuf ans jusque 1506.

 

4- Son épiscopat

C’est en 1506, qu’il devient Hugues des Hazards, 67ème évêque et comte de Toul (bulles de Jules II en août 1506). Il choisit, dès lors, des armoiries parlantes, ne voulant pas renier son nom hazard qui, en arabe, signifie dé. Son blason est constitué d’une croix d’argent sur fond d’azur, cantonnée de 4 dés de même, montrant l’as de sable avec la devise « Moderata durant ». Cette devise signifie : « Les choses ordonnées durent » ou bien  « Ce qui est conforme à la mesure et aux règles est appelé à défier le temps », tout un programme de gouvernement ! Son sceau épiscopal représente la main divine sortant d’une nuée, bénissant St Etienne lui-même à genou devant les armoiries de l’évêque.

Dés sa nomination en 1516, il publie une lettre destinée aux fidèles  des duchés de Lorraine et de Bar et des Trois-Evêchés  annonçant l’autorisation, donnée par le pape Jules II, de manger beurre et laitages aux vigiles de Noël, de l’Assomption et pendant le Carême. Il désire ainsi montrer aux lorrains sa sollicitude et aussi son pouvoir sous la protection de René II et du pape Jules II, dont les armoiries, sur la lettre, précèdent les siennes.

Son caractère humaniste se manifeste par la publication d’ouvrages imprimés (missels, bréviaires, livres d’heures, rituel, statuts synodaux en 1515), par la promotion de la musique avec son maître de chapelle, Pierquin de Thérache  (messes, motets, chants, Pater Noster chanté).

Ses Statuts synodaux, publiés en 1515 chez Jacoby à Toul, montrent son caractère réformateur. Ses buts sont les suivants : lutter contre les abus de son temps, réformer de façon urgente son église diocésaine      et rétablir les valeurs religieuses.

Son soutien au gymnase de St-Dié se manifeste par la sponsorisation de cartes du monde. Ainsi l’on peut voir sur la carte de Waldseemuller de 1516 un cartouche avec l’inscription « don de l’évêque de Toul Hugues des Hazards à ceux qui en sont dignes ».

Les nouvelles règles de la perspective, explicitées dans l’ouvrage du chanoine Jean Pèlerin « De artificiali perspectiva » (1505 – Jacobi) sont appliquées au niveau du portail de l’église St-Médard, dont il est l’architecte (1506-1512). C’est le 1er portail Renaissance de Lorraine avec l’application du nombre d’or au niveau des proportions des 2 registres!

La devise inscrite au fronton dominant le portail de l’église : « Fais, ô Dieu, je t’en prie que ce temple que t’a élevé l’évêque Hugues des Hazards subsiste éternellement » fait le pendant de la volonté de Pie II, qui avait menacé d’excommunication quiconque modifierait l’aspect de Pienza, sa « Cité Idéale ».

On n’a aucun doute sur l’inspiration italienne du tombeau, de forme dite en enfeu, avec son décor Renaissance de pilastres, de rinceaux et de grotesques. Sa structure en forme de H (sur le modèle des lettres de l’alphabet de Luca Pacioli) illustre bien l’initiale des nom et prénom de l’évêque. Sa statuaire suggère  l’intervention  de deux mains, l’une (celle de Mansuy Gauvain ?) pour les registres bas, médiéval avec les dix deuillants et le registre haut, « temps modernes », avec les sept arts libéraux, l’autre d’une finesse d’orfèvre (Pierre Voiriot ?), pour le registre central avec le corps de l’évêque positionné de ¾ avec un visage réaliste. Ajoutons que le tombeau était coloré et que le fronton semble manquant.

Son épiscopat a été aussi marqué par son rôle social avec l’autorisation de la construction des Loges, la canalisation des sources, la couverture du Belenus, la création de lavoirs et de fontaines et la reconstruction des ponts…

Dans l’acte initiant les Loges, Hugues écrit : « Octroyons aux manants et habitants de Blénod…faculté de bâtir loges et maisonnettes…dans notre château…sans qu’ils soient tenus d’en payer à Nous, ni nos successeurs…aucune redevance ». :

Cet acte est caractérisé par six points concernant les Loges: 1- uniquement réservées aux béléniens 2- destinées au stockage et à la protection des biens et des récoltes 3- attribuées à chaque famille qui ne peut posséder que 2 loges au maximum   4- accordées aux pauvres comme aux riches           5- grevées d’aucune servitude, charge ou hypothèque 6- construites par obligation en un an (1516-1517).

Il fait reconstruire la forteresse entre 1506 et 1512 avec 4 tours, une porte charretière, précédée d’un pont-levis et des fossés.

 

Conclusion

L’année 1517 est marquée par la fin médiocre du 5ème concile de Latran V, initié par Léon X, car ce concile est resté sans effets. Le décès de Hugues des Hazards, le 14 octobre 1517, survient étrangement quinze jours avant la parution des 95 thèses de Luther condamnant les indulgences le 31 octobre 1517. Cet évènement marque le début de la Réforme. Il faudra le concile de Trente (1545-1562) pour obtenir l’abolition des abus et la fixation de la doctrine catholique. On voit ainsi que Hugues des Hazards, avec l’idée profondément réformatrice de ses statuts synodaux, a été un précurseur.